mardi 13 septembre 2016

La nouvelle économie, arbitre du match bailleurs-preneurs


Ils entretenaient jadis une relation on ne peut plus tendue : entreprises locataires et propriétaires bailleurs ne parlaient que d’argent car ils n’avaient pas d’autres sujets de conversation. L’irruption des prestataires de coworking a rebattu les cartes en inventant trois concepts : le besoin, le service et le client.


Le monde de l’immobilier d’entreprise a développé, comme beaucoup d’autres univers professionnels, un vocabulaire qui n’appartient qu’à lui. Le « bailleur » désigne ainsi le propriétaire d’une surface de bureaux qui, si elle n’a rien de particulier, entendez, s’il ne s’agit ni d’un entrepôt, ni d’une surface commerciale, se voit affublée de l’adjectif « banalisée ». Quant au locataire, il est le « preneur », le signataire du contrat de bail. Cela donne une idée de l’état dans lequel était jadis la relation client : lorsqu’un « preneur » était amené à louer des bureaux « banalisés », on pouvait, sans trop d’erreur, supputer que les échanges qu’il entretenait avec son « bailleur » étaient proches de zéro. Une relation peu constructive parce que conflictuelle par nature et sous-tendue d’une défiance réciproque. Le rêve du propriétaire était de coincer son locataire dans un contrat le plus long possible, celui du locataire était de renégocier les termes de son bail, le montant de son loyer. Tout était affaire de gros sous. Parler de service, de fidélisation client n’avait pas lieu d’être : si mon locataire n’est pas heureux, qu’il aille trouver ailleurs, prendre à bail un autre bureau banalisé…

La vision du bureau reste traditionnelle


Evidemment, le monde tel que je viens de le décrire est aujourd’hui révolu. Heureusement, les propriétaires se préoccupent des besoins de leurs locataires. Lorsqu’ils rénovent une tour à La Défense, ce n’est pas seulement pour répondre aux obligations réglementaires du désamiantage et du Grenelle de l’environnement. C’est aussi pour rendre leur offre de bureaux plus attractive sur le marché, faire venir de belles signatures qui valoriseront indirectement leur patrimoine. Mais leur réponse est essentiellement immobilière, c'est-à-dire qu’ils vont réfléchir à moderniser la répartition des espaces, remettre l’accueil au goût du jour, proposer des lieux de convivialité, des douches pour les futurs collaborateurs cyclistes etc. Le triptyque Equipements, Aménagements, Mètres-carrés.  
En revanche, toucher au sacro-saint Bail, jamais. Vous avez besoin d’héberger une équipe en surnombre pour un projet pendant deux ans ? Signez là, mais pour trois, six ou neuf ans. Vous n’utilisez vos salles de réunion que 20% du temps ? Que voulez-vous y faire : un m² de réunion n’est pas un m² d’open-space et la réglementation nous interdit de toucher à cette répartition. Vous voulez un accueil convivial comme un café ? Il vous faudra le payer dans vos charges.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que la vision du bureau reste très traditionnelle.

Débanaliser l’offre de bureaux


C’est là que l’hydre de la nouvelle économie pointe son nez. Les entreprises de coworking (travail partagé) comme l’anglo-saxon Wework ou le français Nextdoor, bouleversent le paysage avec quelques idées simples. Transformer un bail en contrat, modifiable et résiliable au mois le mois, c’est eux. Proposer des espaces de réunion partagés, c’est encore eux. Animer un immeuble, entretenir un esprit de convivialité et de partage propre à favoriser les synergies entre start-up (jeunes pousses), c’est toujours eux. Et, ce qui les différencie de leurs aînés loueurs de bureaux pré-équipés, offrir ces services à des prix compétitifs tout compris, c’est bien eux, grâce à la densification poussée des plateaux permettant de faire fonctionner leur modèle économique.
Les coworkers révolutionnent, mais avec de vieilles recettes. Celles qui veulent que le prix n’est pas le seul élément d’une offre marketing. Le service, la souplesse, l’adaptabilité, l’accueil, la pérennité de la relation et, pourquoi pas, l’attachement à la marque, autant de besoins des entreprises locataires auxquels ils répondent. Les propriétaires ont bien compris d’où venait le vent en tâchant de « débanaliser » et en multipliant les services associés aux m² loués.

Transformer les locataires en clients


Quelle stratégie suivre pour un bailleur qui voudrait prendre le train du renouveau de son offre ?
La première voie est de s’associer à un tiers, de faire appel à l’une de ces entreprises de la nouvelle économie et de profiter de son savoir-faire en matière de partage du travail pour assouplir l’offre. Une relation gagnante : ouvre-moi les portes de ton parc immobilier et je t’animerai tes immeubles en y installant une nouvelle génération d’occupants, PME, start-up ou spin-off (essaimage) de grands groupes.
Mais vite va se poser la question de la vampirisation des marques. A moins de s’associer dès le départ autour d’un projet commun, le bailleur risque fort d’être cannibalisé par la puissance de l’enseigne du coworker qu’il va héberger.

Seconde solution, le faire soi-même. Un certain nombre de grands propriétaires on entamé des réflexions en ce sens : transformer leurs locataires en clients. Ecouter les besoins de l’occupant en lui donnant la parole, mettre en place une relation dans la durée avec un directeur de clientèle attitré, déployer de nouveaux services propres à lui donner satisfaction, la logique est facile à enclencher – après tout, d’autres l’ont fait qui venaient du secteur public*. Mais, derrière tout cela, la difficulté est de sortir de la logique immobilière dont j’ai parlé plus haut : Equipements, Aménagements, Mètres-carrés ne suffisent pas à répondre aux besoins. Il faut aussi offrir des services et, cela, les propriétaires bailleurs vont devoir l’apprendre car ce n’est pas leur métier d’origine.

Le règne des architectes va devoir laisser la place à celui des commerçants.




* Que dire de la SNCF ou de la Poste qui ont opéré depuis longtemps leur révolution Copernicienne en transformant les usagers en clients et cela bien avant qu’ils ne soient confrontés aux coups de la nouvelle économie? L’immobilier, qui relève pourtant du secteur privé, n’est pas à la pointe en matière de relation client.

jeudi 1 septembre 2016

Sept règles à suivre si vous persistez à vouloir refaire votre site web.


Il vous coûte cher, vieillit à grande vitesse et vous donne envie de mordre lorsque, dans un dîner ou au détour d’un couloir, on vous fait remarquer combien il est obsolète. Qui ça ? Votre site web bien sûr. Voici sept bonnes pratiques à suivre lorsque vous vous déciderez – enfin – à le repenser.


Règle numéro un : soyez smart


Un jeune entrepreneur avec qui je discutais récemment d’un projet passait son temps, au fur et à mesure que je lui en expliquais les termes, à regarder son smartphone. J’étais au départ assez vexé, pensant qu’il trouvait ma conversation ennuyeuse au point d’aller se ressourcer sur son compte FaceBook. Mais je me rendis rapidement compte qu’en réalité, il consultait Internet pour vérifier ou compléter les informations que je lui donnais. En deux coups de pouce, c’est le cas de le dire, il captait l’essentiel des entreprises que je citais, leurs métiers, leur positionnement ou leur poids.
Il y a mille et une autres façons d’utiliser Internet. Au bureau sur son PC, au lit, le soir, sur sa tablette, dans les transports pour peu qu’une connexion soit établie. Mais celle de mon interlocuteur conditionne toutes les autres : si votre site web fonctionne bien sur un smartphone, vous êtes sûr qu’il sera efficace sur tous les autres supports, tablettes, PC etc. Commencez donc par concevoir un site pour smartphone, le reste suivra.

Règle numéro deux : soyez court


C’est la conséquence de la précédente règle. La tendance est aujourd’hui au One Page Design (page unique) qui fait que, dans un sens ou dans l’autre, vous aurez accès à l’essentiel du site. Evidemment, l’exercice est assez frustrant pour les concepteurs car oblige à être très synthétique, mais pensez que 95% de vos visiteurs ne passeront guère plus de 30 secondes ou une minute sur votre site, pas plus. Ils veulent une carte de visite, pas un roman. C’est ce que j’ai récemment expliqué à un webmaster qui a ainsi dû reconcevoir son site pour faire rentrer en une seule les… 4000 pages qui le composaient.
Alors, organisez vos informations. Horizontalement, le carrousel qui, en trois voire quatre (pas plus) écrans, met en avant les événements liés à votre entreprise : campagne publicitaire, lancement d’un nouveau programme etc.
Verticalement, avec le long scrolling (page longue), l’internaute peut lire l’essentiel des informations sur votre entreprise : ses métiers, les dirigeants, les produits, les actualités récentes. Regardez par exemple, la page d’accueil de Hudson Yards, l’un des gros programmes d’aménagement de New-York. Une seule page et tout est dit (ou presque).

Règle numéro trois : soyez long


Ce n’est pas contradictoire avec ce que je viens de dire : soyez synthétique quand vous vous présentez (pensez à la carte de visite sur smartphone), mais bavard lorsqu’il s’agit de votre métier. Les anglo-saxons parlent de story telling. Racontez de belles histoires, faites témoigner vos clients, ajoutez de la profondeur, du vécu, à vos offres. Les réseaux sociaux bruissent des articles des bloggeurs qui font et défont les réputations des grandes marques. C’est le cas depuis longtemps pour le monde du luxe et des cosmétiques, mais c’est aussi le cas de l’immobilier où les blogs sont en plein développement. Alors, jouez le jeu de ces bavards : soyez-le vous-aussi.
Le blog est, en termes de technologie, moins spectaculaire qu’un site web. Il est une juxtaposition de textes de deux ou trois feuillets, voire plus (un feuillet fait 1500 signes). Personnellement, je recommande de l’isoler du site web, qui est technologiquement plus efficace. Cette séparation permet des renvois mutuels, le blog agissant un peu comme une tribune de presse par rapport au site-page-unique-carte-de-visite.

Règle numéro quatre : soyez utile


Un site web ne sert pas seulement à fournir de l’information. Il peut aussi être utile. C’est la définition d’une app (application), que de permettre de faire quelque chose : commander un taxi, réserver un hôtel etc. sans avoir besoin de téléphoner ou de se rendre dans une agence spécialisée. Si vous êtes un génie et que vous avez trouvé l’app qui va révolutionner le monde, vous deviendrez le roi de la Planète, comme Uber ou Booking. En attendant, réfléchissez à ce qui serait pratique pour vos clients. Par exemple, consulter en ligne le dossier d’un local commercial sans avoir à téléphoner au broker, ou prendre un rendez-vous sur Internet pour visiter un appartement, par exemple. Mais bon, faire utile n’est pas l’exercice le plus facile. N’est pas Uber qui veut.

Règle numéro cinq : soyez efficace


Depuis que Le Nôtre a dessiné les jardins de Versailles, les français adorent que les choses soient ordonnées, logiques et symétriques. Or, ce n’est pas nécessairement le plus efficace. Il faut savoir aussi tracer des raccourcis qui permettront aux internautes d’accéder directement aux pages qui les intéressent. L’arborescence, exercice auquel les concepteurs s’adonnent en premier, voilà l’ennemi. Regardez le site du gouvernement britannique par exemple. Il a été repensé pour que les principales questions que se posent les sujets du Royaume trouvent réponse dès la première page. Il n’y a pas de logique là dedans ; que de l’efficacité.
Corollaire de cette règle, pensez que votre site est une juxtaposition de pages qui, chacune, mérite d’être référencée sur Google comme toute autre. Trop souvent, les webmasters privilégient la home page (page d’accueil) en oubliant de mettre en avant les pages intérieures. Rien ne sert de passer par l’accueil d’un hôtel si on peut accéder directement à la terrasse du restaurant. C’est aussi une question d’efficacité. Concevez donc votre site comme une série de mini-sites, selon les thèmes abordés et les services proposés.

Règle numéro six : soyez social


L’époque est aux bavards et les réseaux sociaux sont leur tribune. Quoi que vous pensiez, c’est là que les choses se font désormais. Il va vous falloir doubler votre stratégie web traditionnelle d’une approche sociale.
Le travers est de prendre tous les réseaux en bloc, comme s’il ne s’agissait que d’un seul. En fait, chaque réseau a ses cibles, ses règles d’expression, ses conventions. Vous ne vous exprimerez pas de la même manière ni pour les mêmes raisons dans FaceBook que sur LinkedIn, cela va de soi. Mais qui connaît les subtilités des Pinterest et autres Instagram ? Tout cela est en fait assez complexe et votre approche des réseaux sociaux peut, à ce titre, être sélective. Choisissez-en certains, définissez une ligne éditoriale spécifique pour chacun d’eux et cela ne devrait pas trop mal se passer, si vous gardez le sens de l’humour, car il en faut pour émerger dans cet environnement. Evidemment tout cela relié, d’une manière ou d’une autre, à votre blog, dont nous avons parlé plus haut. Blog, réseaux sociaux et story telling forment un triptyque gagnant.

Règle numéro sept : ne faites rien


Et si la meilleure solution n’était pas de ne plus avoir de site web ? Après tout, certains nouveaux acteurs ont choisi de la faire, comme le très novateur et étonnant éditeur de presse Now This, qui ne publie que des vidéos d’une minute maximum et qui invite les visiteurs de sa page d’accueil web à le retrouver sur les réseaux sociaux. Vous n’en êtes peut-être pas encore là, mais si vous conservez en tête que votre site web doit être réduit à la taille d’une carte de visite consultable sur smartphone, vous vous rendrez compte que l’essentiel de votre travail va désormais être consacré au hors web, entendez aux blogs et réseaux sociaux.