mardi 31 mai 2016

Que faire des budgets marketing ? Plaidoyer pour le relâchement des dépenses.

Il est des postulats qui ont la vie dure. Celui qui veut qu’un budget marketing soit fermé, c'est-à-dire inscrit dans le marbre pour les 365 jours (366 les années bissextiles) de son existence, tient de la génétique. Pas si simple d’y déroger.


Pendant des années, je me suis plié au jeu de rôle de la négociation budgétaire. Les dépenses futures que l’on sait ne jamais engager, les arbitrages qui n’en sont pas, les économies annoncées et les réserves secrètes dans lesquelles on puisera le moment venu. L’année enfin démarrée, j’ai suivi mes dépenses mensuelles au centime, j’ai serré les robinets au grand désespoir des commerciaux assoiffés, bref, j’ai géré mon budget bien mieux que celui de mon ménage. Et quand l’heure du bilan est venue, j’ai présenté mes comptes en me réjouissant d’avoir su économiser et contribué ainsi, in extremis, à la marge brute de l’entreprise. (D’ailleurs, à l’usage des chefs d’entreprise qui liraient ces lignes, je leur rappelle que l’un des apports économiques de la transformation digitale est la réduction des budgets marketing qui, grâce au transfert de l’achat d’espace des médias traditionnels vers la communication en ligne, leur ouvre la voie de la réduction des coûts, sans licenciement. Soignez votre directeur marketing : il est le garant de la paix sociale et l’ami des analystes financiers en mal de cost killing.)

Dépenser plus, c’est gagner plus


J’étais donc paisiblement installé dans mes certitudes quand je tombe sur l’excellent blog de Bertrand Bathelot qui nous annonce la fin des budgets fermés. Son raisonnement ? Le marketing de la performance remet en cause le postulat des budgets fermés. En matière d’e-commerce, les dépenses marketing génèrent mécaniquement du chiffre d’affaires additionnel. A partir du moment où les supports partenaires sont rémunérés au rendement ou au  clic, « il est théoriquement possible, écrit-il, de mettre en relation l’investissement marketing réalisé et la marge générée par la campagne. » D’où l’idée d’un budget ouvert, sans limite sauf celle de la rentabilité des actions par rapport aux dépenses engagées. Dépenser plus, en quelque sorte, c’est gagner plus.

Rien ne sert d’accumuler des leads s’il n’y a plus rien à vendre


Ouvrir le budget marketing, ne plus lui imposer de plan annuel, est donc tentant. Sauf qu’il y a une limite, celle de la capacité de l’entreprise à livrer ses produits. Une limite évidente lorsqu’il s’agit d’immobilier, marché dont on sait qu’il est dominé par l’offre. A ce jour (et pour encore longtemps), c’est la production, la capacité des équipes de développement à trouver des terrains ou des projets, qui détermine l’activité et, par conséquent, les campagnes marketing à venir. Il ne sert à rien d’accumuler des contacts (leads) pas chers, s’il n’y a plus rien à vendre sur un programme.
Mauvaise nouvelle pour le directeur marketing : il va lui falloir continuer à négocier son budget marketing annuel.


jeudi 26 mai 2016

Le déferlement de la réalité virtuelle, c’est maintenant.

Goldman Sachs Research publie une étude montrant que les  réalités augmentée et virtuelle sont amenés à exploser dans les années à venir. Un développement dont l’immobilier devrait être l’un des moteurs clés.


La réalité virtuelle devrait représenter d’ici 2025, 80 milliards de dollars, dont un peu plus de la moitié pour le hardware et l’autre, pour le soft. La plus grosse partie est réservée au monde du jeu vidéo, mais d’autres secteurs vont en être les acteurs, comme l’immobilier qui va représenter à lui seul, 2,6 milliards de dollars. Ceux qui auront l’occasion de se rendre au prochain salon Rent, en novembre 2016, pourront le constater d’eux-mêmes : les startups dédiées à la réalité virtuelles sont bien réelles et sont passée du stade de la promesse et de l’expérimentation  à celui de l’industrialisation. On en reparlera…


lundi 23 mai 2016

Faut-il investir autour des gares du Grand Paris ? L’aménagement du territoire à l’épreuve des équations.


Jadis, les villes se développaient le long des chemins de fer. D’où les promesses spéculatives portées par la réalisation des nouvelles lignes de métro du Grand Paris. Mais toutes les gares sont-elles promises au même avenir radieux ? Où investir ? Les betteraves valent-elles toutes de l’or ?


L’urbanisme du XXIème siècle est bien parti pour renouer avec celui du XIXème où le chemin de fer incarnait la modernité et la vitesse, dans un environnement dominé par le cheval. Les villes se développaient en chapelet, au fil des nouvelles gares de banlieue, qu’elles soient dans le Queens ou au départ de Saint-Lazare. Aujourd’hui, les vélos, skateboards et autres véhicules prisés par les adeptes de la circulation dite « douce », ont remplacé les chevaux, tandis que la voiture est remisée au rang d’instrument d’un autre âge, celui du XXème siècle polluant.

L’accessibilité à l’emploi, clé du développement


Donc retour des gares et retour des spéculateurs qui misent sur le développement futur des villes. Le Grand Paris, avec ses 68 nouvelles stations de métro, fait office de champ d’expérimentation pour les urbanistes et les startups comme Urban Morphology Strategy, animée par Loeiz Bourdic. Son raisonnement ? les distances spatiales n’ont pas grand sens ; ce qui est important est le temps parcouru pour accéder à l’emploi. Pour étayer sa démonstration, il dessine une carte de l’Ile de France en mesurant le nombre d’emplois accessibles à partir d’un point en moins de trente minutes. En comparant cette carte à la situation telle qu’elle sera en 2030, il montre que la mise en service des nouvelles lignes du Grand Paris Express aura un impact direct sur l’attractivité économique des nouveaux quartiers de gare. Mais, et c’est là que l’analyse est intéressante, cet impact ne sera pas le même selon les lignes. Si la prolongation de la ligne 14 est un puissant générateur de développement pour la région, il n’en sera pas de même pour la ligne 16 qui traversera la banlieue Nord-Est et dont la création générera des gains plus limités en matière d’accessibilité aux bassins d’emplois.

On le comprendra donc, il n’y en aura pas pour tout le monde : si les nouvelles gares du Grand Paris vont aimanter la demande, toutes ne vont pas se développer de la même façon. Celles qui seront les plus proches, en temps de transport, des bassins d’emploi d’aujourd’hui ou de demain, ou qui formeront un nœud (une interconnexion), auront plus de chance d’attirer de nouveaux habitants et tous les services qui vont avec, que les gares situées en périphérie et où les durées de transition sont plus importantes.

Une France qui diverge vers l’inégalité des territoires


Cette approche dynamique du territoire est à rapprocher de l’étude publiée par Gilbert Emont et Soazig Dumont*, de l’IEIF, établissant une typologie des marchés du logement. Leur analyse montre que les villes de plus de 100.000 habitants peuvent être rangées en cinq grandes catégories, selon leur dynamisme démographique,  leur économie ou leur attractivité naturelle. Loin de tendre vers l’égalité des territoires, l’étude montre que la France est hétérogène et que, selon la ville dans laquelle vous vous trouvez, le marché aura des comportements « dynamiques », « déclinants » ou « solaires » pour reprendre leur terminologie.
Un raisonnement qui s’applique, à une échelle plus réduite, à l’Ile de France dont ils soulignent la polarisation des espaces. Que vous vous trouviez en banlieue Sud ou Est, le rôle joué par le logement intermédiaire ou social ne sera pas le même, le poids de l’accession, différent. Les douze « territoires » (regroupements de communes) qui se sont constitués de manière plus ou moins spontanée au moment de la création du Grand Paris, sont en voie de se spécialiser, certains misant sur la sécularisation de leur parc immobilier du fait de sa densité, quand d’autres, qui disposent de réserves foncières plus importantes, s’ouvrent au développement et à la croissance de leur population. Au lieu de se niveler, les territoires de l’Ile de France sont donc plutôt sur le chemin de la dispersion et de la spécialisation.

Le big data pour éclairer les choix des aménageurs et des investisseurs


Les gares, pour revenir à elles, ne jouent pas nécessairement un rôle moteur dans ces mouvements, mais elles vont en exacerber les tendances au lieu de les corriger. D’où l’intérêt, pour revenir à ma première remarque, de faire appel aux modèles économétriques pour éclairer les choix des aménageurs, des promoteurs et des investisseurs. Le big data, l’exploitation des bases de données, est ainsi appelé à jouer un rôle déterminant pour expliquer, analyser et prévoir la complexité croissante des territoires et des interactions qu’ils entretiennent entre eux.


*Gilbert Emont et Soazig Dumont, Marché du logement, l’empreinte des territoires. Editions Economica, 2015.